La Touchétie est sans doute une des régions les plus isolées de Géorgie. Aujourd’hui encore, Il n’y a qu’une seule route pour y entrer. Praticable seulement en 4×4, et à condition que la météo et le terrain soient de la partie ce n’est que pendant quelques semaines estivales qu’on peut se rendre dans cette petite région de montagne collée à la frontière tchétchène.
Omalo est le village principale, la capitale dirait-on pour pays. En Touchétie en réponse aux rigueurs du climat hivernal du Haut Caucase les villages sont construits en deux emplacement. La partie haute est habitée en été, et la partie basse en hiver. Dans les temps plus anciens la région était largement plus habitée qu’aujourd’hui. C’est dans le courant du 20ème siècle qu’elle s’est progressivement dépeuplée malgré la construction de la route qui la relie au reste du pays au sud. Vers le nord l’imposante barrière du Haut Caucase est infranchissable.
Les greniers fortifiés de Touchétie, ici le village d’Omalo.
Ces villages sont remarquables, à l’image de ceux du Haut Svanetie voisin. A une époque où il fallait aussi pouvoir se défendre et protéger sa richesse, la récolte, les Touches ont construits des tours imprenables où ils pouvaient se réfugier en cas d’incursions hostiles en provenance de l’extérieur. Les plus anciennes encore debout datent du 15ème siècle. Il s’agissait de se protéger contre les voisins de Tchétchénie, du Daghestan.
Les tours d’Omalo
L’hiver, les villageois redescendaient en vallée là où les conditions étaient moins rudes et où de toute manières les incursions hostiles étaient limitées, freinées par les hauts cols enneigés protégeant la région. Aujourd’hui les Touches ne restent pas en Touchétie en hiver, il rejoignent la petite ville de Kvemo Alvani qui leur fût attribué au 18ème siècle par le roi de Géorgie Heracle II en remerciement de faits de guerre contre les Perses. Depuis, les Touches font leur vas et vient régulier en passant le Col Torha qui sépare la Touchétie du reste de la Géorgie, amenant leurs troupeaux de mouton dans les alpages l‘été, les ramenant dans la vallée l’hiver.
La maison Touche rénovée par Tsiala et Nugzar dans les années 2000. Ils gèrent cette maison d’hotes et y accueillent les visiteurs depuis 2011. Hotel Tusheti Tower
Les Touches, quelques-uns, essaient de développer le tourisme. L’isolement de la région, l’originalité architecturale des villages, le sens de l’accueil vital hérité des conditions difficiles du pays sont autant de valeurs ajoutées susceptibles de plaire aux voyageurs en quête d’authenticité. Tsiala et Nugzar l’ont progressivement compris lorsqu’ils se mirent à rénover cette vieille maison et la tour attenante dans le haut village d’Omalo. C’est chez eux que je me suis installé quelques jours, mon port d’attache pour découvrir les villages de la région, Dartlo, Dano et Parsma qu’on peut rejoindre facilement par la piste en partant d’Omalo.
Dartlo. Une maison en ruine, ou peut-être une église.
Les charpentiers de Dartlo. Les villages souffrent depuis longtemps, les tours tombent en ruine, mais le tourisme permet doucement aux habitants de ré-investir dans leur patrimoine.
Dartlo. Les maisons habitées sont presque toujours des maisons d’hôtes. Les prix sont très mesurés, vous pouvez y dormir pour ~20€.
Kvalvo, au dessus de Dartlo
Après quelques heures de marche depuis Omalo nous arrivons à Dartlo. Le bas du village est posé au bord de la rivière Alazani qui est n’est encore ici qu’un gros torrent de montagne. La montée sur le haut du village vaut le coup et permet de comprendre que la région a beaucoup souffert de l’exode rural tant les ruines sont nombreuses. De là on peut rejoindre en balcon le village voisin de Dano sur une petite boucle de 4km. En arrivant à Dano notre guide est invité par deux bergers à venir partager quelques verres de Vino, et ni une ni deux nous voici assis avec eux autour d’une petite table. Il est évidemment impossible de refuser un verre et nous voici à partager quelques morceaux de Tchakapouli (plat traditionnel à base de mouton). C’est très sympathique, presque gênant tant nos hôtes semblent prendre un réel plaisir à échanger avec nous.
Le véritable accueil des bergers de Dano, petit village en surplomb de Dartlo. La gnôle de vin est très présente, le chant et la musique aussi, ambiance très chaleureuse.
La région a bien sûr embrassé le culte chrétien, mais les racines animistes n’ont jamais disparu. Ici, un endroit “sacré” où les femmes sont interdite.
J’ai beaucoup aimé la Touchétie. Isolée du reste du pays, la région en a souffert lorsque ces voisins ont pu profiter de l’industrialisation, des échanges routiers et de la modernité. Aujourd’hui c’est ce qui fait sa valeur, et j’ose espérer qu’elle arrive à développer le tourisme autour du patrimoine qu’elle a pu conserver. J’envisage peut-être d’y retourner. Il existe un sentier qui relie la ville de Kazbegi à Omalo sur plus de 100km et quelques cols de haute montagne à passer. Sans doute à vivre un jour.