Berbère, vergers et haute montagne
Nous nous éloignons des dernières maisons du village de Zawyat Oulmzi. Jusqu‘à présent nous étions le long de la rivière, entre champs de luzerne et vergers de pommiers où l’Aït Bouguemez mérite le nom de vallée heureuse. Sans que nous réalisions encore que nous quittions pour de bon le cadre rassurant de cette oasis du Haut Atlas, nous avons emprunté un chemin sur la gauche et entamé la montée vers le lac d’Izourar, porte d’entrée vers la haute montagne marocaine.
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Un randonneur isolé suivi par l’orage monte vers le lac d’Izourar. Plus de photos
En montant nous comprenons que les conditions dont profitent les habitants de la vallée sont rares dans la région. Très vite la végétation disparait et quelques rares genévriers, bonzaïs gigantesques, prennent le temps de grandir. Eux savent que même ici, sur cette montagne qui borde le Sahara, il finit par pleuvoir et qu’il suffit d’attendre. Ce jour là nous avons eu de la chance. Portés par le vent, le son du Muezzin et les premières gouttes d’eau nous atteignent bien avant d’arriver au col, et c’est trempés que nous atteignons le lac d’Izourar et le refuge désaffectés où nous nous installons pour la nuit.
Démarrage. Depuis Marrakech, il faut rouler vers l’ouest
La vallée d’Aït Bouguemez est cachée quelque part derrière les montagnes enneigées qu’on devine au loin. Après environ 150 km de route, nous atteignons Azilal, la dernière ville, puis nous attaquons le long col de Tizi n’Oughbarqui qui nous fera basculer de l’autre coté, dans la vallée. Notre chauffeur urbain, plus habitué aux routes de la ville, et peu rassuré par les virages de montagne nous offre la meilleure introduction à ce voyage d’une semaine chez les Berbères : 3h de slowmotion, de lacets et de belvédères. Nous prenons notre temps puis nous finissons par arriver au village d’Agouti où nous passerons notre première nuit dans l’Aït Bouguemez.
Cour intérieure d’une maison berbère du village d’Agouti. Plus de photos
Nous logeons quelques jours chez Ali. Il est guide de randonnée pour Allibert Trekking et est diplômé de l‘école des métiers de la Montagne. L‘école de Tagant est en effet le lieu de passage obligé de tout passionné qui souhaite exercer le métier de guide. Il est d’ailleurs assez fier de ce titre qui lui a aussi permis de diversifier son activité. Depuis environ 4 ans, il accueille les touristes dans le gite qu’il a construit en économisant sur son salaire et avec l’aide de sa famille. Ali travaille ainsi en binôme avec son frère qui l’accompagne au quotidien au gite mais aussi comme cuisinier quand il faut guider un groupe de randonneurs.
Info : Un guide gagne, selon son expérience entre 350 et 600 dirhams par jour, alors que le muletier quant à lui ne gagnera que 100 à 150 dirham par mois.
Par comparaison, le gite d’Ali, qui est un gite de bonne qualité au regard des standards marocains, propose une pension complète à 200 dirham, la chambre seule à 80, le petit déjeuner à 20, le repas (midi ou soir) à 50.
Diviser les prix en dirham par 10 pour avoir les montants en euro.
Grenier berbère. Plus de photos
Au matin, je découvre la vallée et je suis surpris par la richesse agricole de l’endroit. Alors que la veille nous traversions une région presque désertique, Agouti domine un vert patchwork. Bottes de luzerne assemblées dans un champ, nombreux pommiers chargés de fruit attendant la récolte, quelques vieux noyers conservant leur prestige d’antan, la rivière qui descend de la montagne est ici plus qu’ailleurs source de richesse et fait vivre une petite trentaine de villages sur l’ensemble de la vallée.
Jeux d’enfants dans un village. Plus de photos
Femme Amazigh d’Iskatafen. Plus de photos
Pendant deux jours, nous remontons la vallée en compagnie de notre guide Khadidja, une des rares femme guide de randonnée au Maroc. Nous alternons les rencontres. Un groupe d’hommes qui rassemblent leur récolte saisonnière de pommes, quelques enfants qui nous suivent en cachette lorsque nous longeons un verger, deux femmes nous faisant une démonstration de la cuisson du pain dans un petit four de quartier, un vieil homme qui m’invite à prendre le thé dans sa maison en pisé, un muletier qui nous montre le chemin jusqu’au petit col avant le lac d’Izourar.
Lever de soleil sur le lac d’Izourar. Plus de photos
Ce lac est entre deux mondes. Avant, les gens de la vallée, sédentaires, agriculteurs reliés par la route. Plus haut, les bergers semi-nomades qui s‘échappent vers les hauteurs avec leurs troupeaux à partir du mois d’avril lorsque les neiges ont disparues. Certains viennent même de plus loin, du sud, de la vallée du Dades après avoir hiverné dans le Sahara. Le projet qui fait rêver est bien sur de participer à cette grande migration annuelle en suivant une famille nomade. Un jour.
Pour en savoir plus
Ce voyage a été réalisé avec l’aide de l’Office National Marocain du Tourisme et de l’agence Allibert Trekking qui propose des circuits dans la région du Haut Atlas et en particulier dans cette vallée d’Aït Bougmez (plus d’information sur le circuit ici). Vous pouvez aussi consulter le site visitmorocco.com.